Le télétravail contraint et subi durant la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19 est en train de se convertir en télétravail choisi durablement dans la plupart des entreprises. La distanciation permise par le télétravail a développé la pratique du télétravail exercé depuis l’étranger, permettant au collaborateur un dépaysement géographique et certaines agences de voyages se sont mêmes emparées de cette nouvelle tendance.
Bien plus, certains Etats, comme La Barbade on même lancé un programme « Barbados Welcome stamp » qui offre un visa d’un an aux étrangers pour venir s’installer et télétravailler sur l’île, en plus d’assurer la reprise de l’économie locale.
Le collaborateur peut-il imposer à son employeur le pays dans lequel il souhaite télétravailler ? La réponse est non.
Avant le départ, un accord devra être trouvé sur le lieu d’exercice du télétravail avec l’employeur, en application de son pouvoir de direction, et de son obligation de garantir la santé et la sécurité de ses salariés. Pour des aspects pratiques, il est également légitime que l’employeur puisse valider le choix du pays pour le télétravail : les fuseaux horaires vont-ils ou non complexifier les contacts ? Le pays dans lequel souhaite s’établir le salarié pour exercer son télétravail lui permettra-t-il de rejoindre la France et son lieu de travail habituel en présentiel en cas de nécessités de l’entreprise ? Qui devra supporter les frais de voyage retour ?
L’aspect « immigration » ne devra pas être négligé : il conviendra de vérifier si un visa est nécessaire au collaborateur pour télétravailler pendant la durée convenue depuis l’étranger (les règles diffèrent selon que le télétravail est exercé au sein de l’Union européenne ou en dehors de l’Union européenne, et en fonction de la durée envisagée).
Selon le pays choisi, avant le départ, il conviendra de s’assurer que le salarié ne coure pas de risque pour sa santé, et de se renseigner sur les règles applicables dans le pays du fait de la circulation du virus (le salarié peut-il librement quitter le pays qu’il a choisi pour exercer son télétravail ? Devra-t-il respecter une quarantaine ? Risque-t-il un confinement dans le pays choisi qui le contraindrait à rester bloqué dans ce pays ?)
Selon la durée pendant laquelle le salarié va exercer ses missions en télétravail depuis l’étranger, plusieurs difficultés peuvent apparaitre quant à l’affiliation à la sécurité sociale et la fiscalité des revenus du salarié notamment.
Sur le plan de l’affiliation à la sécurité sociale française, le télétravail exercé à l’étranger a un impact :
- Si le salarié continue d’exercer ses missions sur le territoire français pour la majeure partie de son temps de travail sur l’année, alors il restera affilié à la sécurité sociale française ;
- Dans le cas contraire, le salarié perd-il son affiliation à son pays d’activité ?
- L’employeur pourra-t-il l’éviter avec le « détachement » à l’étranger par l’entreprise ? A priori non : pour mémoire, le détachement consiste à envoyer à l’étranger un salarié pour accomplir une mission pour le compte de l’entreprise, ce qui n’a rien de commun avec le télétravail exercé depuis un autre pays à la demande du salarié, et avec l’accord de l’entreprise.
L’engouement du télétravail exercé à l’étranger pour les salariés frontaliers et transfrontaliers et la question de l’affiliation du salarié à la sécurité sociale dans son pays d’activité est si épineuse qu’un communiqué de presse du Ministère des solidarités et de la santé du 14 décembre 2020 (disponible sur le site dudit Ministère) est venu préciser que ne seront pas prises en compte les périodes de télétravail liées à la lutte contre la pandémie de Covid 19 exercées en Allemagne, au Luxembourg, en Belgique, en Suisse, en Autriche, au Portugal, en Italie ou encore en Espagne jusqu’au 30 juin 2021 .
Enfin, il ne faudra pas négliger l’impact que peut avoir l’exercice du télétravail à l’étranger sur la fiscalité du salarié en France.
En effet, lorsque le contribuable exerce simultanément plusieurs professions ou la même profession dans plusieurs pays, l'intéressé n’est considéré comme domicilié en France que s'il y exerce son activité principale, à savoir celle pour laquelle le contribuable consacre le plus de temps effectif, même si elle ne dégage pas l'essentiel de ses revenus.
En pratique, on constate que le droit du travail français n’a pas encore prévu de dispositions spécifiques pour le télétravail exercé depuis l’étranger et que les principes tels que l’égalité de traitement entre les salariés sera particulièrement difficile à mettre en œuvre pour l’employeur qui permettra – sans une grande anticipation de tous ces aspects – le télétravail exercé depuis l’étranger, en particulier pour une période de plusieurs mois.
Titulaire d’un Master II en Droit Privé Général, et en Droit du Travail et Gestion des Ressources Humaines, Delphine MONNIER exerce la profession d’avocat depuis 12 ans.
Elle a exercé au sein de différents cabinets d’affaires français (AUGUST DEBOUZY, JEANTET, DELSOL AVOCATS) et internationaux (SQUIRE PATTON BOGGS) à Paris et à Lyon, lui permettant de développer une expertise du droit du travail en synergie avec les autres pratiques telles que M&A, Corporate, et fiscal.
Elle intervient en français et en anglais dans tous les domaines du droit travail, tant en conseil qu’en contentieux, et plus spécifiquement aux côtés des entreprises, allant de la start-ups, PME/ETI aux grands groupes étrangers implantés en France,
Elle dirige le département Droit du travail et de l’activité professionnelle du Bureau lyonnais du cabinet Cornet Vincent Ségurel.
Fort de 180 avocats sur toute la France, le bureau lyonnais du cabinet Cornet Vincent Ségurel comprend 21 avocats exerçant dans toutes les disciplines du Droit des affaires.