Intelligence artificielle et PME : dépasser les idées reçues pour passer à l’action

machine qui écrit artificial intelligence

On parle beaucoup d’intelligence artificielle aujourd’hui. Elle fait la une des journaux, attire l’attention des politiques et des grandes entreprises, et semble promise à un bel avenir. Pourtant, pour les petites et moyennes entreprises, qui représentent la grande majorité du tissu économique français, ce sujet reste souvent flou. Beaucoup de dirigeants sont perdus face à l’IA. Ils se demandent si elle est vraiment utile, ou si elle n’est pas trop compliquée, trop chère, voire réservée aux grands groupes.

Dans ce climat de doutes, Fayçal Rezgui, CEO et cofondateur d’Araïko, apporte une vision claire et réaliste. Avec son équipe, il a accompagné plus de 100 PME dans leurs réflexions autour de l’IA. Son message est simple : l’IA ne doit pas être vue comme une solution magique, ni comme un danger. Bien utilisée, elle peut devenir un vrai outil de progrès et un levier de croissance pour les TPE-PME. Mais cela demande de la méthode, une vraie stratégie, et surtout, de ne pas oublier que c’est l’humain qui reste au centre.

Plus encore, l’IA peut être un véritable axe stratégique. Ce sont les entreprises qui comprendront son potentiel, qui sauront l’intégrer de manière réfléchie à leur développement, qui feront la différence demain.

■ Une révolution technologique au service des entreprises

  • Présente ton entreprise et toi en une phrase maximum.

Bonjour, je suis Fayçal Rezgui, CEO et cofondateur d’Araïko. Au sein d’Araïko, nous sommes spécialisés dans l’accompagnement pour les PME et les ETI à identifier les opportunités que l’intelligence artificielle peut amener à leur métier. Puis nous venons intégrer et déployer ces solutions de façon opérationnelle.

  • Quelles sont tes convictions sur l’IA ?

On a connu dans l’ère moderne, pour toutes les entreprises, différentes révolutions technologiques : 

  • l’arrivée d’Internet, aujourd’hui toutes les entreprises utilisent Internet tous les jours,
  • l’arrivée des smartphones, qui a complètement bouleversé les liens entre les clients, les entreprises et a créé des nouveaux business models. 

Aujourd’hui, on est vraiment dans une nouvelle ère d’une révolution technologique où tourne l’intelligence artificielle qui est en train de rebattre totalement les cartes des entreprises dans leur positionnement, dans les offres de produits et de service et aussi dans l’adaptation des métiers de demain. 

  • Selon toi, à quoi doit servir l’IA ?

L’intelligence artificielle reste un outil. Elle n’est pas une fin en soi, et ne doit pas être un objectif. Cela reste un superbe outil qui permet de résoudre des problèmes qu’on ne pouvait pas résoudre avant. 

Cependant, ce qui est très important avant de lancer un projet d’intelligence artificielle, c’est de déterminer quelle intention nous avons pour lancer ce projet. L’intelligence artificielle permet en fait de résoudre de gros problèmes environnementaux, d’impact sociétal, qu’il faut aussi savoir aborder de la bonne manière. C’est pour ça qu’un bon projet d’intelligence artificielle commence par une intention positive. Suite à cette intention, l’IA amenée de la bonne manière permet vraiment d’accélérer des problématiques que nous avons connu ces dernières années. Donc que cela soit une opportunité vraiment économique, stratégique ou environnementale, l’intelligence artificielle aujourd’hui permet d’accélérer et d'accéder à de nouvelles réponses qu’on n’a jamais pu ou réussi à avoir. 

  • Quels sont les enjeux actuels ? Et ceux à venir ?

Les enjeux autour de l’intelligence artificielle commencent déjà par une phase d’acculturation. La réussite d’un projet d’intelligence artificielle, c’est avant tout le facteur humain, notamment au travers d’une acculturation des dirigeants, des managers, des salariés. Chacun doit comprendre ce que c’est l’intelligence artificielle et ce que ce n’est pas, mais on doit aussi enlever tous ces fantasmes ou ces peurs autour de l'IA et reprendre l'IA comme un outil au service d’un futur désirable que nous souhaitons mettre en œuvre.

Une analyse du terrain après plus de 100 diagnostics Data & IA

  • Vous avez réalisé plus de 100 diagnostics Data & IA, avec des experts référencés par Bpifrance, quelles sont les réticences que vous avez pu observer chez les dirigeants ? 

En effet, nous avons au sein d’Araïko déjà réalisé plus de 100 diagnostics Data IA pour des PME et des ETI. On a découvert plusieurs problématiques communes, dans différents secteurs d’activité et tailles d’entreprise. 

Le premier point et facteur important, ce sont toutes les fausses croyances qu’il y a autour de l’intelligence artificielle. Que ce soit au sein d’un COMEX, d’un CODIR ou des managers, il y a beaucoup de fausses croyances “on est trop petit”, c’est que pour les grands groupes“ah oui mais on va me voler mes données”, “j’ai pas d’experts en interne donc c’est pas possible”, “c’est un gadget” “. La première étape consiste donc en une phase d’acculturation. 

Puis, on commence à identifier des projets qui ont vraiment de l’impact, qui créent une valeur ajoutée forte pour l’entreprise. Cette phase de diagnostic est essentielle pour pouvoir prioriser les projets qui créent réellement de la valeur, et ensuite mettre l'IA comme un outil au service de ce projet. Il ne faut surtout pas faire l’inverse, surtout ne pas aller pousser de la technologie de l’IA, qui, je le rappelle, ne reste qu’un outil. 

  • Quelles sont les principales difficultés que rencontrent les TPE/PME avec l’utilisation de l’IA ?

Aujourd’hui, on a la chance au sein d’Araïko d’avoir commencé une internationalisation de nos services. On travaille actuellement au Québec, au Canada, nous sommes sur des missions au Maroc et dans es pays en Afrique. Nous commençons aussi des missions très récentes en Europe du Nord et on constate qu’en France, il y a un écart par rapport aux autres pays sur cette aversion à l’inconnu, au risque. On constate l’identification de toutes les raisons de ne pas faire, par rapport à d’autres continents ou eux ils vont identifier toutes les opportunités de pourquoi il faudrait le faire. C’est donc toujours cette phase d’acculturation qui est très importante pour montrer que l’intelligence artificielle a un véritable potentiel et est un véritable accélérateur pour toutes les PME industrielles et agroalimentaires et autres secteurs d’activité françaises.  

  • Tout va très vite, observes-tu des changements dans le comportement des dirigeants / dans leur rapport à l’IA ces deux dernières années ?

Araïko existe depuis cinq ans, et on a observé de fortes évolutions de la maturité autour de l’IA sur ces cinq dernières années. Je vous assure qu'il y a 4/ 5 ans, quand on parlait d’intelligence artificielle à des dirigeants, on nous regardait avec des grands yeux et on nous disait “c’est de la science-fiction ça”. On a passé ce cap déjà. Maintenant, on observe plus les questions suivantes : “Comment m’y prendre ? Pourquoi faire ? Quel projet potentiel serait intéressant pour mon activité par rapport à qui je suis ?”. 

Maintenant, on est davantage dans une phase de savoir comment et quel premier pas faire. Il y a beaucoup de bruit autour de l'IA, beaucoup d’informations et aussi beaucoup de marketing de l’IA, où parfois il y a des solutions qui sont poussées autour de l'IA. Nous on appelle cela de l’IA gadget, d’IA poussée low-code, no-code où on promet que c’est fantastique et qu’en deux clics, vous allez pouvoir tout faire ça va marcher. 

On récupère beaucoup de clients qui se sont rendus compte que ce n’était pas une réalité. Oui pour faire un prototype individuel, mais pour déployer une IA industrialisée qui marche dans le temps, c’est un véritable métier et c’est un véritable savoir-faire.

  • Quels cas d’usage concrets de l’IA te semblent les plus prometteurs pour traiter les problématiques des TPE/PME ?

La question est vraiment intéressante parce qu’on ne peut pas dire qu’il y a un cas d’usage générique. En fait, les cas d’usage dépendent vraiment de l’entreprise, de sa culture, de son positionnement marché, de business model mais aussi de son positionnement par rapport à ses concurrents. Il n’y a donc pas une solution générique adaptée aux PME. 

Il y a des solutions adaptées à chaque entreprise et je peux vous donner un exemple. Celui d’une ETI industrielle, le groupe Mister Minit qui reproduit des clés avec + 200 agences en Europe. On a développé pour elle une application mobile qui vous permet de reproduire vos clés chez vous. Alors imaginez, vous avez votre clé, vous la mettez sur la table, une photo recto de votre clé, une photo verso de votre clé. On a trois IA qui tournent. On reconnaît le modèle, le type, l’usinage de la clé. La clé est reproduite et 48 heures après elle est envoyée chez vous. Là, on est sur de l'IA stratégique, qui crée de la croissance et de la valeur à l’entreprise. Donc grâce à cette solution, l’entreprise maintenant va pouvoir pénétrer des marchés internationaux alors qu’avant elle ne le pouvait pas, c’était des investissements qui étaient trop élevés. 

L’intelligence artificielle n’est pas là uniquement pour aller gagner une heure par-ci, une heure. Il faut vraiment l’inclure dans un axe stratégique et c’est les entreprises qui l’auront compris qui feront la différence demain.

  • Quelles sont, selon toi, les principales limites actuelles de l’IA que vous rencontrez dans vos projets ?

L’intelligence artificielle va extrêmement vite. Les technologies de l’IA vont très vite. Au sein d’Araïko, nous avons 12 docteurs en IA, 12 chercheurs IA, et même nous en interne nous sommes étonnés de la rapidité des technologies de l'IA. 

Cependant ce qu’il faut comprendre, c’est que la technologie de l’IA actuelle est bien plus avancée que la capacité d’appropriation des entreprises actuelles. Finalement la limite n’est pas la technologie de l’IA, c’est cette capacité à intégrer les solutions IA de façon pertinente, efficace dans les entreprises. Aujourd’hui il y a une course à la technologie mais revenons sur des fondamentaux, le plus important c’est créer de la valeur aux entreprises. Donc laissons la course à des gros acteurs géopolitiques et revenons sur des choses très concrètes et opérationnelles au service des entreprises, au service des dirigeants.

  • Quel conseil donnerais-tu à une TPE/PME qui souhaite se lancer dans un projet IA ?

Le premier conseil que je donnerais aux dirigeants des entreprises qui souhaiteraient lancer un projet IA, c’est de pouvoir d’abord identifier des projets qui puissent vraiment être en lien avec leurs stratégies et leur vision avant de se lancer tête baissée sur des solutions IA. La phase de diagnostic est vraiment très importante, elle permet de créer une feuille de route stratégique et ensuite de faire les bons choix. 

Le deuxième conseil que je donnerais c’est que l’un des facteurs principaux de la réussite d’un projet IA, c’est le facteur humain et il faut le prendre en compte dès le début. Chez Araïko, nous travaillons avec les futurs utilisateurs de l’IA sur le cahier des charges, pas avec les directions générales. Ils nous donnent une vision, puis on travaille avec les utilisateurs pour que ce soit leur propre produit. Notre objectif, c’est que les salariés en utilisant de l’IA puissent être heureux et se disent “waouh c’est super, j’ai enlevé toutes mes tâches inutiles, maintenant je peux faire des choses plus intéressantes”. On veut diminuer leur charge mentale pour leur ouvrir de nouvelles opportunités de création de valeur. Pour eux, pour l’entreprise et pour leurs clients. 

  • Est-ce que l'IA transforme les métiers ?

Oui évidemment, j'ai échangé avec une ancienne DRH groupe. On a parlé des évolutions des métiers au travers de l’intelligence artificielle. Vous connaissez certainement les piliers de référence autour des salariés, qui sont le savoir-être et le savoir-faire. Aujourd’hui, un troisième pilier qui devient très important c’est le savoir devenir, c’est-à-dire la capacité des salariés à s’adapter dans leur environnement avec ces nouvelles technologies, faire évoluer leur métier, leurs interactions avec les systèmes et aussi avec ses collègues au travers de l'IA. Ce savoir devenir va être vraiment un facteur différenciant aussi pour les les talents de demain.

La vision d'Araïko sur l'IA

  • Est-ce qu'il y a un usage que vous avez observé sur le terrain ? 

Je vais vous partager un cas d’usag qui est remonté au travers des plus de 100 diagnostics Data IA qu’on a fait pour les PME, ETI. On s’est rendu compte d’un problème commun dans beaucoup d’entreprises : une grande partie de la performance des entreprises dépendait des personnes qui avaient beaucoup d’expérience, qui avaient accumulé cette expérience, des astuces et des savoir-faire. Tout ce savoir restait dans leur tête : il est difficile de le formuler et de le partager à d’autres personnes. Une étude a montré que 10% des salariés partiront à la retraite d’ici moins de 10 ans, 60% des informations stratégiques restent tacites et ne sont pas formalisées. On ne les retrouve pas dans les formations, on ne les retrouve pas dans les procédures.

On est donc parti de ce problème et on a déployé une solution qui s’appelle Shiroo. En fait, Shiroo c’est l’histoire de Gérard. Vous avez tous un Gérard dans l’entreprise. Gérard c’est un technicien de maintenance. Dans le cas d’usage maintenance, il y a plusieurs autres cas d’usage. Gérard a 20 ans d’expérience dans son entreprise de maintenance. Il intervient chez un client, la machine est en panne, l’écran est noir, la led clignote trois fois. Lui, il sait tout tout de suite ce qu’il faut faire, il a l’expérience, il sait qu’il faut débrancher le fusible A avant le B, sinon on perd une heure de réinitialisation. On va demander à Gérard quand il est confronté à ces bonnes astuces du terrain d’utiliser Shiroo. Shiroo c’est un bouton, il appuie sur un bouton, il va parler comme s’il parlait à un jeune à côté de lui pour lui expliquer comment faire. Il peut prendre des photos, des vidéos, il fait le plus simple.

Automatiquement, on a plusieurs modules IA qui rentrent en jeu, on comprend la sémantique, le sens de ce qu’a dit Gérard et on va construire une fiche de capitalisation de connaissance synthétisée avec tous les points clés. En quelques secondes, Gérard a partagé un véritable savoir-faire, qui constitue une grande partie de la performance du quotidien d’entreprise.

Qu’est-ce qui se passe derrière ? On a Jean, Jean qui est sur un autre site de la même entreprise, qui vient d’arriver dans l’entreprise et il a moins de deux ans d’expérience. Il est confronté à la même machine avec la même panne, l’écran est noir, la led clignote trois fois. Jean va juste poser la question à Shiroo, c’est le deuxième bouton de Shiroo et il va juste poser la question “j’ai l’écran qui est noir, qu’est-ce que qu’est-ce que je peux faire ?” et hop il aura tout de suite les astuces de Gérard, les trois points clés que Gérard a partagé, même si Gérard est parti à la retraite. Vous voyez ces outils IA vont pouvoir faciliter les interactions et l’intelligence collective dans les entreprises, vont revaloriser le partage de la connaissance et les savoir-faire. Ce qu’il faut comprendre, c’est que les entreprises les plus performantes de demain, ce seront des entreprises qui auront mis en place des organisations apprenantes, des organisations où on valorise le partage de la connaissance, des savoir-faire, des bonnes astuces . Les outils IA permettent de faciliter cette transmission.

  • Est-ce que tu penses qu’on en fait trop ou pas assez autour de l’IA aujourd’hui ?

Les premières années d’Araïko, nous poussions, nous acculturions, nous expliquions ce qu’il était possible de faire en avance de phases. Aujourd’hui, il y a beaucoup trop de bruit autour de l'IA clairement. Il y a trop de médiatisation, notamment de différents acteurs qui le voient plus comme une opportunité de se positionner, et non pour défendre des intérêts de leurs clients. Il faut donc faire le tri dans tout ce bruit médiatique et revenir sur des choses très concrètes et opérationnelles de l’IA, au service des entreprises, des salariés et de notre environnement.

  • Quel outil ou technologie IA t’a récemment bluffé ?

Ce qui me bluffe assez régulièrement, c’est tout ce qui touche l’image et la vidéo. Je suis assez sensible à ça et quand je vois les dernières avancées technologiques d’assistant qui permet vraiment de créer des vidéos assez poussées, assez évoluées, j’avoue que c’est vraiment bluffant. 

  • Y a-t-il une idée reçue sur l’IA que tu entends souvent et que tu aimerais déconstruire ?

Il a plusieurs idées, et fausses croyances autour de la donnée notamment. Beaucoup d’entreprises ont peur que leur données partent ailleurs. Quand un projet est mal géré, quand on utilise des outils gratuit de l’IA (surtout ne le faites-pas). Un projet bien mené permet de travailler dans l’aéronautique, dans le nucléaire et on sait parfaitement organiser les données. Mais il faut le faire de façon très structurée et avec des professionnels de l’IA. 

  • L’IA en un mot ?

En un mot je dirais c’est passionnant. C’est passionnant parce que c’est une découverte en continu. A chaque fois on est challengé, nos équipes, même nos chercheurs sont challengé donc on est toujours obligé d’être très humble, il faut avoir beaucoup d’humidité quand on travaille dans l'IA. Ça va très vite, on peut être bousculé, il faut aimer ça mais nous on adore ça et c’est pour ça que c’est passionnant.

■ Rappel : les bons conseils pour se lancer

  1. Commencer par un diagnostic stratégique, pour prioriser les bons cas d’usage.

  2. Impliquer les équipes très tôt, pour s’assurer que la solution IA réponde à un besoin réel.

  3. Ne pas se laisser séduire par l’IA “gadget” : ce qui compte, c’est l’impact dans la durée.

Et demain ?

L’IA continue de se développer à une vitesse impressionnante. Mais pour Araïko, la priorité reste de traduire cette avancée technologique en valeur concrète pour les entreprises, leurs collaborateurs et leurs clients.

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