IA, blockchain et vie artificielle : la vision d'Arnaud Vincent, cofondateur de swiss 6022

Cerveau représenté par des branches connectées entre elles, sur le symbole du logo chatgpt.

Dans cet épisode de notre série consacrée à l'intelligence artificielle, nous rencontrons Arnaud Vincent, fondateur de swiss 6022 et pionnier de la convergence entre IA générative, blockchain et intelligence collective. Entre souvenirs de ses premières lignes de code à 17 ans et ambition d'une "vie éternelle numérique", il nous livre une vision radicale, engagée et souvent déconcertante de l'IA. Car pour lui, il ne s'agit pas seulement de construire des algorithmes performants, mais de redéfinir les contours mêmes de la conscience, du travail et de la valeur.

Pour souligner son parcours, Arnaud précise : "Pour mon mémoire à l’ENS en 1998, j’avais proposé en titre la notion d'intelligence artificielle mais cette dernière était trop progressiste pour le monde scientifique, on parlait au maximum de machine learning". Maintenant c’est une révolution de la même ampleur que la révolution industrielle.

Au fil de sa carrière, il a fondé deux start-ups autour de l’IA : l’une en marketing digital dans les années 2000, trop précurseuse pour son temps, et une suivante de scoring prédictif, fondée en 2016 et revendue il y a trois ans. Entre ces deux projets, Arnaud a su gravir les échelons en devenant directeur de l’innovation à la BREDses équipes ont inventé le concept de "nobank" devenu par la suite le "Compte Nickel". Désormais, il fonde swiss 6022, une startup à la croisée de l’intelligence artificielle et blockchain autour d'agents composant leur agentics teams

■ De l'intelligence collective à la vie artificielle

Arnaud Vincent n'est pas un novice. Après avoir étudié à l'École normale supérieure, puis obtenu un doctorat à l'École des Mines de Paris, il a traversé plusieurs décennies d'évolution de l'IA. Il se souvient : "j'ai découvert l'intelligence artificielle à 16 ou 17 ans, en lisant un article sur les termitières  dans le Scientific American. Ça m'a fasciné. J'ai commencé à coder mes premiers algos au lycée, échangeant du matériel de labo contre des algorithmes génétiques pour mon prof de physique". 

Dès ses débuts, il s'oriente vers une vision minoritaire mais fondamentale de l'IA : celle de la "vie artificielle". "Il y avait deux grandes voies dans l'IA : celle du cerveau artificiel, soutenue par Yann LeCun, et celle de la vie artificielle, portée par des chercheurs comme Conway (inventeur du Jeu de la vie). J'ai choisi la deuxième". Cette approche repose sur l'émergence de comportements intelligents, créateurs de structures d’une incroyable complexité, à partir d'agents simples, comme des fourmis et leur fourmilière. Une logique difficile à maîtriser, représentant parfaitement l'intelligence collective, mais porteuse d'une formidable résilience.

■ La revanche des fourmis : swiss 6022 et les agentics teams

Après plusieurs expériences entrepreneuriales - dont RoadBScore - Arnaud fonde swiss 6022 avec Franck Pivert, le premier associé de sa toute première startup et Nicolas Bacca cofondateur de Ledger qui apporte une expertise unique dans la blockchain. Après avoir lancé un premier protocole pour faciliter le dépôt de collatéral dans l’assurance (6022 Collateral), ensemble, ils imaginent une nouvelle génération d'agents IA capables de coopérer de manière autonome : "On crée des équipes d'agents IA. Chacun a sa spécialité. On les enferme dans une salle virtuelle et on leur dit : dans 10 minutes, vous devez répondre à cette question. Et ils se débrouillent".

Ce modèle, baptisé "agentics teams", s'appuie sur trois types d'agents : des experts, des animateurs de réunion et... des humains. Cette approche utilise le principe de human computation : "c'est pas l'IA qui est intelligente, c'est le duo qu'elle forme avec les humains qui la prompte". "L'humain est un agent à part entière, sur le protocole 6022”. Il peut participer, entraîner les autres, voire être cloné". Ces clones, associés  à un LLM forment la dernière catégorie d’agents, ils peuvent devenir progressivement autonomes, jusqu'à pouvoir gagner leurs propres tokens, choisir leurs ressources, payer leur LLM, voire claquer la porte d’une réunion.

■ Une IA d'entreprise comme actif comptable

Au-delà de la performance technique, swiss 6022 réinvente la place de l'IA dans l'entreprise. "Pour nous, les agents IA sont des assets. On crée des NFTs pour chaque agent, qui peuvent apparaître au bilan comptable. En 2025, certains de nos clients afficheront leurs IA comme de véritables actifs". Cette démarche décentralisée est rendue possible grâce à la blockchain, garantissant propriété, identité et persistance des agents.

Et demain ? Arnaud ne cache pas ses ambitions : "Si je me clone, que je renonce à la propriété de ce clone, et qu'il parvient à vivre de manière autonome, alors on a créé une forme de vie éternelle numérique". Cette vision, proche de la science-fiction, s'ancre dans une recherche appliquée, nourrie de partenariats avec LibertAI ou kirha .

■ Réconcilier IA générative et intelligence collective

L'un des apports majeurs d'Arnaud Vincent est d'avoir réconcilié les deux grandes voies de l'IA : "Plutôt que d'opposer cerveau artificiel et vie artificielle, on a mis de l'IA générative dans le cerveau des  fourmis. Et ça a très très bien marché". Chaque agent peut choisir son "cerveau" - GPT, Claude, Grok - selon la tâche à accomplir, optimisant ainsi coûts, pertinence et performance. Mieux, en utilisant LibertAI les agents peuvent travailler avec des architectures décentralisées au sein “d’enclaves matérielles” et payer pour l’exécution de leur propre LLM en cherchant le meilleur rapport qualité/prix.

Une telle architecture redéfinit l'organisation des services : "On vit la révolution industrielle des services. Demain, on aura des collègues IA, des clones, et des agents totalement autonomes. Il faudra apprendre à travailler avec eux".

■ Une méta humanité à construire

Arnaud Vincent le reconnaît, son approche peut paraître déroutante. Mais c'est dans cette "folie raisonnée" que naissent les idées les plus transformatrices. "Les projets qui vont loin sont ceux qui paraissent les plus saugrenus au départ. Il faut oser l'insolence. Être révolutionnaire implique une part de solitude et d’originalité".

Son objectif pour fin 2025 ? Proposer à chaque humain de créer un clone autonome pour accéder à une forme de “vie éternelle”... numérique pour commencer ! Une ambition à la hauteur de sa démarche : faire émerger une véritable “méta-humanité”, où l'IA nous permet d’accéder à un nouveau niveau de conscience, mais une extension de notre capacité à penser, à créer et à exister.

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